En ces temps agités, voilà une thématique malheureusement bien trop d’actualité. Si vous ne connaissez pas PJ Hérault, grand auteur d’une science-fiction simple, accessible et immersive, filez vite lire l’un de ses best-sellers ! (je vous conseille Gurvan pour commencer). PJ a le talent de parler des militaires qui font la guerre pour dénoncer, en filigrane ou de façon claire, l’horreur et l’inutilité des conflits. Et qui de mieux placé que lui pour en parler? De la guerre d’Algérie, comme de nombreux autres, il ne dira rien. Plutôt que de nous abreuver de détails glauques et immondes, il nous propose des récits prenants, légers, à même de nous faire expérimenter en douceur et adhérer de tout cœur à ce mantra simple : rien ne justifie la guerre.
Après la première anthologie des éditions Critic « Naufragés de l’Espace » (critique ici), neuf auteur·ices se sont vus confier la tâche de poursuivre l’œuvre et le message humaniste de PJ, décédé en octobre 2020. J’ai l’immense plaisir d’en faire partie (aventure sur laquelle je reviendrais dans un prochain post), mais je veux ici surtout vous parler de l’anthologie dans son intégralité et de mes coups de cœurs (bien entendu, en étant totalement subjective, nier le contraire serait mentir!).
J’aime de plus en plus ces recueils proposant des textes entre 70 et 100ksec (une petite heure de lecture), de quoi développer une histoire et s’attacher aux personnages. J’ai besoin qu’elles recoupent toutes un même thème, et j’adore quand les auteurs varient, cela permet de découvrir de nouvelles plumes (la précédente antho et celle du Paris des Merveilles ayant conduit à mes plus belles rencontres d’auteur·ices d’ailleurs! Et je ne parle pas que de la plume, mais des personnes adorables, en vrai !). Celle-ci ne fait naturellement pas exception à la règle. Mais VRAIMENT, je l’ai ADORÉE !
Les neufs récits sont tous d’une égale qualité, et ça, c’est rare (je rechigne un peu à le dire, parce que c’est m’envoyer des fleurs, mais vraiment, j’ai rarement été autant satisfaite de TOUS les textes). Dans une antho, c’est le jeu, il y a toujours des plumes qui plaisent moins, des récits qui embarquent moins – que ce soient pas goût personnel (certains textes de Marmite&Micro-Ondes ne m’ont pas fait vibrer mais sont excellents, c’est juste que ça ne m’a pas parlé), ou parfois, parce que les auteur·ices n’ont pas tous la même maturité d’écriture / les éditeur·ices de correction etc. La nouvelle est un terrain de jeu fantastique pour apprendre et pour découvrir, que l’on soit lecteur·ice ou auteur·ice!
Dans cette antho, vous allez forcément préférer des textes à d’autres, mais je le vous promets, ce ne sera que le reflet de vos propres goûts. Je vais vous faire un aperçu de mes préférés, vous allez voir!
Mon gros coup de cœur a été pour « Ancre » de Marie Sivan. Je ne connaissais pas du tout cette autrice, et je peux vous dire que je vais aller chercher illico-presto son 1er roman ! Son style est de ceux que j’aime : délicat, visuel, faisant la part belle aux émotions tout en laissant place à l’action et au suspens. Tout est parfaitement équilibré. Mais surtout, l’histoire qu’elle a choisie m’a prise par les tripes. On y suit une vétérane, Aele, qui doit faire face aux dégâts psychologique de la guerre, alors même que les affrontements ne sont pas terminés. Une face des conflits que l’on montre peu, et que PJ a dû probablement porter seul en silence sa vie durant. La sensibilité, la réalité de l’histoire m’a fait monter les larmes aux yeux. Le courage dont fait preuve l’héroïne est le même que celui que chacun d’entre avons, au travers de nos petits et grands combats quotidiens. Son geste de guérison, sa façon de transformer ses épreuves en force et de lutter à sa manière est là aussi quelque chose que l’on peut projeter aisément dans nos vies, et c’est probablement pour cela que j’ai été aussi touchée. Il y a des millions d’Aele sur Terre.
Mes autres coups de coeurs ont été pour les deux premiers récits qui ouvrent l’anthologie. J’ai lu « Le chant des glaces » de Jean Krug, et j’ai retrouvé avec grand plaisir son style ciselé, précis et magnifique comme un cristal, dans une nouvelle là aussi très équilibrée entre émotion et action. J’ai beaucoup aimé l’hypothèse qu’il a faite et sa vision des comètes, tout en dénonçant la propensions des humains à se réfugier dans des impasses quand la réalité leur paraît trop difficile ou trop complexe. Et puis, il y a un chien dans l’espace, c’est trop choupi! (#fangirl) J’ai également été touchée par la première nouvelle, celle d’Emilie Querbalec, qui là aussi met en scène des personnages qui me parlent, dans une résolution qui, si elle est un peu attendue, n’en reste pas moins porteuse d’espoir. D’ailleurs, je croise les doigts pour que tous les militaires de Russie aient autant d’humanité et de courage pour s’opposer aux ordres lorsqu’ils sont injustifiés et cruels que les deux protagonistes. La frontière est parfois faible entre protéger et agresser, et personne n’est plus humain que lorsqu’il sait la trouver.
Les autres nouvelles sont tout autant jouissives à lire, et proposent un panel varié de situations et de résolutions, tout en mettant toujours en avant la camaraderie et l’absurdité de la guerre. Aux côté de Floriane Soulas (là aussi, le styyyyyyyle <3 <3 <3 De ceux que j’adore!), vous irez questionner les limites d’un système qui n’a plus vraiment rien d’humain. Florestan De Moor va encore plus loin dans les confins de l’absurdité de la guerre, et remet en première ligne l’importance du savoir et du travail de journalisme. Emmanuel Delporte nous propose un twist que j’ai beaucoup aimé, quand Arnaud Pontier et Ketty Steward s’accrochent aux fondamentaux de PJ, en reprenant textuellement l’oeuvre Gurvan (j’ai d’ailleurs beaucoup aimé le message porté par la nouvelle de Ketty, la recherche irréelle de la gloire qui, au final, est bien trop dangereuse pour en valoir le coût. Là aussi si nombre de personnes avaient la sagesse de voir ça avant de s’embrigader, on en serait pas là).
En bref, au travers de cette anthologie vous allez vous divertir, mais voir aussi les milles facettes de la guerre pour vous rappeler qu’elle n’est pas qu’une question d’affrontement entre deux soldats armés de bons vieux lasers. Communication, politique, science, journalisme, médecine, approvisionnement… la guerre est partout, dans le moindre domaine. Le message d’espoir que j’y vois, c’est que chaque soldat, chaque personne noyée dans des enjeux qui nous dépassent totalement, a toujours la maîtrise de son destin, la responsabilité de ses choix. Ne pas être aveugle, être capable de se remettre en question, de réfléchir à notre échelle et de suivre nos cœurs, voilà le message que nous envoie PJ Hérault, et que nous, auteurs, tentons de relayer et de faire grandir. Pour que son expérience de la guerre, à lui, nous aide à éviter les nôtres.